Nos Femmes

Création en Septembre-Octobre 2017
Théâtre Royal des Galeries (Bruxelles)

Observateur inlassable des scènes de la vie conjugale, Éric Assous signe avec Nos femmes une nouvelle comédie sur le couple. Sauf qu’ici, il n’y a pas de femme sur scène, mais trois hommes, confrontés à un terrible dilemne… Max, Paul et Simon. Trois tempéraments, trois caractères, trois parcours différents. Ils se voient souvent sans leurs femmes. Sans doute pour mieux en parler. Mais brusquement, un soir, tout bascule et leur amitié est mise à rude épreuve.

On connaît toute l’attention que porte l’auteur aux relations entre les hommes et les femmes et à leurs effets, nourrissant ses pièces des universelles difficultés conjugales. Mais le parti est cette fois plus osé, comme seul le théâtre le permet. L’intérêt de la pièce tient dans la manière dont leur amitié de trente-cinq ans va résister à cette terrible nouvelle. Fidélité aveugle ou refus d’être complice ?

Éric Assous s’amuse dans cette situation poussée à l’excès à révéler la manière dont chacun est amené à conduire sa vie conjugale. Et, précisément parce que le sujet est grave, il a conduit le spectacle dans le sens d’une comédie d’une grande intelligence, capable d’osciller entre le burlesque et l’émotion.

Un véritable moment de grâce.


Genre : Comédie, Théâtre
Auteur : Eric Assous
Distribution : Bernard Cogniaux, Alain Leempoel, Bernard Yerlès
Production : Théâtre Royal des Galeries
Co-Production :
Mise en scène : Alain Leempoel assisté de Isabelle Paternotte
Lumières : Laurent Comiant
Costumes : Jackye Fauconnier
Photographe : Michael Henin
Décor : Dimitri Shumelinsky
Durée : 100


Saisons

2018-2019


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Laisser entrer la vie | Entretien avec Éric Assous

Observateur inlassable des scènes de la vie conjugale, Éric Assous signe avec Nos femmes une nouvelle comédie sur le couple. Sauf qu’ici, il n’y a pas de femme sur scène, mais trois amis, confrontés à un terrible dilemne…

L’avant-scène théâtre : Votre pièce met en scène trois hommes, ou plutôt trois moitiés de couple.
Éric Assous : Paradoxalement en effet, la pièce parle des femmes sans qu’on n’en voie jamais aucune. Mais pour moi, en termes d’écriture, il y a trois rôles d’hommes et trois rôles de femmes, qu’on imagine assez clairement.

AST : Comment vous êtes-vous lancé dans l’écriture de cette pièce ?
E. A. : J’avais écrit une pièce à onze personnages qui s’intitulait Vies communes, qui racontait un peu la même histoire. Puis j’ai proposé à Richard Berry avec qui je travaille depuis longtemps cette intrigue réduite à trois personnages seulement. J’ai aussi retravaillé la fin à sa demande, afin qu’elle soit moins sombre et plus ouverte. Je suis un auteur qui essaie d’être à l’écoute de ce qui se passe sur le plateau. Je vais toujours dans le sens des acteurs. J’aime bien réécrire à chaud, et j’assiste à de nombreuses répétitions, même si je n’interviens quasiment jamais dans ce qui touche à la mise en scène. Chez moi, le texte n’est jamais « biblique », figé. Parfois, c’est la mise en scène qui commande une modification, parfois c’est le timbre des interprètes qui exige un changement, même si, comme ici, j’avais déjà en tête la musique de chaque comédien car je connaissais d’avance la distribution, du moins Richard Berry et Daniel Auteuil. C’est souvent plus facile, d’ailleurs, d’écrire pour les comédiens en particulier, car leurs personnalités imposent parfois des réactions aux personnages. C’est une des raisons qui explique que les comédiens se soient très vite emparés de leurs personnages et qu’ils les incarnent aujourd’hui avec un tel naturel sur scène.

AST : Nos femmes s’inscrit directement dans la veine de vos pièces précédentes.
E. A. : Ce sont mes thèmes habituels sur une intrigue nouvelle, un peu policière ! Mais ce point de départ n’est en réalité qu’un prétexte pour pouvoir parler du couple. Ce thème est une préoccupation récurrente chez moi. J’en ai une vision assez ironique. J’aime beaucoup mettre en scène les relations hommes-femmes, car ce qui se passe dans la tête d’un homme et d’une femme coïncide rarement. Quand deux personnes si différentes essaient de s’entendre et n’y arrivent pas, vous avez un réservoir inépuisable de sujets de pièces. Le ressort de la comédie, c’est de raconter des histoires qui échouent…

AST : Comment savez-vous justement ce qui se passe dans la tête d’une femme ?
E. A : C’est un grand mystère. J’ai certes moi-même une expérience tout à fait moyenne de la vie, mais je crois que lorsqu’on écrit pour le théâtre, on essaie toujours de dessiner un personnage que l’on a jamais été. On arrive à ressentir des choses qui vous sont a priori étrangères. J’avais écrit un film, La Femme défendue, avec Isabelle Carré, où il était question d’un adultère filmé en caméra subjective, et l’on m’avait dit alors que le film semblait avoir été écrit par une femme… Je crois que cette possibilité qu’a l’auteur d’inventer un personnage qu’il n’est pas dans la vie tient à son goût pour l’observation et à sa manière de voir dans des cas particuliers des schémas universels.

AST : La pièce n’évoque pas seulement les rapports hommes-femmes mais aussi l’amitié.
E. A. : C’est un thème que j’ai déjà abordé dans Les Conjoints ou L’Illusion conjugale. Dans Nos femmes, la question de l’amitié est brûlante : est-ce qu’on pardonne le meurtre, ou est-ce qu’on se désolidarise ?

AST : Vous écrivez votre théâtre de manière très efficace. Cela vient-il de votre expérience de scénariste ?
E. A. : Il y a des règles d’écriture que je trouvais absurdes au cinéma et surtout à la télévision, et j’ai beaucoup pesté contre elles. Mais elles m’ont été utiles, car elles m’ont appris à travailler dans l’efficacité. D’autre part, comme je viens souvent aux répétions, je me rends beaucoup plus compte des faiblesses d’un texte quand il est incarné, et cela m’a aussi appris à me méfier du sentiment de satisfaction que l’on éprouve quand on relit le texte chez soi devant son ordinateur. Quoiqu’il en soit, je pense toujours au public lorsque j’écris, car ma pire crainte est qu’il s’ennuie. C’est pour cela que je revendique une écriture très scénarisée qui vise à produire du divertissement.

AST : Quels sont vos influences dans l’écriture théâtrale ?
E. A : Sur la forme, j’admire les pièces de David Mamet, dont le côté litanique des répliques leur donne une grande efficacité. J’aime beaucoup également ce qu’on fait au théâtre Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, qui ont influencé beaucoup d’auteurs. Je regarde aussi avec attention mes contemporains, comme Sébastien Thiéry dont j’aime la justesse dans l’absurde. Dans mon registre, j’essaie toujours de trouver la note juste, d’inventer des histoires que chacun pourrait avoir vécues. Quand j’écris, j’essaie de ne pas m’en tenir strictement au plan établi et de laisser entrer la vie.

AST : Vous qui avez travaillé beaucoup pour le cinéma comme scénariste et réalisateur, pourquoi pas imaginer un film tiré de la pièce dans le futur proche ?
E. A. : Oui, je crois que Richard Berry y pense, même s’il est pour l’instant très concentré sur le spectacle… Il y a en tous cas matière à faire un film avec la pièce. De nombreux personnages – les femmes – n’apparaissent pas au théâtre, mais pourraient très bien avoir des rôles développés à l’écran… Le principe d’unité de temps et de lieu qui soutient la pièce fonctionne très bien sur scène, mais devra sans doute être assoupli au cinéma. Un tel passage soulèverait beaucoup de questions passionnantes…

Propos recueillis par Olivier Celik

Interview d’Alain Leempoel, acteur et metteur en scène

Quels sont les éléments qui ont éveillé ton intérêt à la lecture de ce texte ?
Eric Assous est un auteur que j’ai beaucoup lu ou vu au théâtre, ses pièces m’intéressent, m’amusent ou parfois m’interpellent. Il a beaucoup disserté sur le couple mais cette fois il ne met en scène que des hommes parlant des femmes, j’ai donc été particulièrement intrigué.
J’ai vu le spectacle à Paris joué par de grosses vedettes (Daniel Auteuil, Richard Berry) il y eu aussi un film (les mêmes et Thierry Lhermitte) il devait donc avoir de la qualité derrière tout ça, comme ce fut le cas nous voilà donc sur la production belge. Ensuite le prétexte de se retrouver avec des amis en scène a décuplé mon intérêt pour la pièce.

Est-ce une pièce de potes ? D’où vient votre amitié ?
Il est évident que le fait d’être 3 potes est un apport énorme pour le spectacle, ne fusse que sur le plan de la complicité et de l’autodérision.
C’est au départ une envie que j’avais de jouer avec Bernard Yerlès et de retrouver la complicité avec Bernard Cogniaux que nous avions eu dans « ART » de Yasmina Reza, que le projet s’est échafaudé, ce fut long à mettre en place car nos agendas respectifs ont eu beaucoup de mal à s’accorder mais la patience (ou mon entêtement) a fini par payer.
Oui nous sommes 3 potes de (presque toujours) de par notre métier d’abord et surtout par le sport (le football) que nous avons pratiqué tous les 3 pendant plus de 25 ans dans le même club amateur.
Chaque week-end l’appel du ballon rond nous entrainait sur les terrains les plus improbables avec la même joie de se retrouver dans le vestiaire ou au bar qu’importe, notre histoire commune part de là.

Comment se fait-il que tu te retrouves comédien et metteur en scène de ce projet ?
Il fut décidé dès le départ que l’acteur qui interpréterait le rôle de Simon (moins important que les 2 autres) serait le metteur en scène car nous n’avions pas envie d’un autre regard sur nous. Nous trouvons que nous avons suffisamment d’autodérision pour nous mettre en boite tout seul.
C’est Adrian Brine (grand metteur en scène Anglais disparu l’an dernier) qui fit toute sa carrière en Belgique qui m’a appris ceci : « un comédien peut jouer tous les rôles mais pas avec n’importe qui, car tout est question de rapport entre les acteurs ».
Nous avons donc commencé par lire la pièce plusieurs fois entre nous, en changeant chaque fois de rôle pour constater quels étaient les meilleurs rapports entre les personnages et nous trois. Le résultat sera sur scène.

C’est une comédie mais qui aborde quelques réflexions profondes, est-ce ce type de pièce qui te motive ?
Paradoxalement le vrai propos fort de la pièce est l’amitié, et sa remise en question.
Jusqu’où va ou peut aller un ami pour protéger son pote ?
Où s’arrête l’échelle des valeurs humaines sur le sujet ? Est-elle la même pour tous ? Est-on vraiment un ami ? ou croit-on l’être ?
Parfois on se trompe juste d’amitié.
Ces thèmes sont soulevés très habilement par Eric Assous, sous forme d’une comédie franche. Tout en parlant des femmes ces 3 personnages se perdent en conjoncture car leur malaise est criant, leur lâcheté ou leur différend apparait au grand jour.

Est-ce que la pièce met en scène trois hommes ou trois moitiés de couple ?
La question est bonne et délicate… Que sommes-nous sans nos moitiés ? Ce propos n’est nullement sexiste puisqu’il se pose tant pour l’homme que pour la femme.
Le regard de l’autre, (de son conjoint), le sentiment d’amour, de réciprocité, de complémentarité quoi de plus beau mais quoi de plus complexe ?
Seulement voilà l’homme et la femme ne sont pas fait pareils dès lors… les conflits ou la comédie peut s’installer.

Que peux-tu dire sur les personnages ?
Les 3 caractères sont très marqués : l’action se déroule chez Max (Bernard Yerlès) le plus conformiste des 3, maniaque, impatient, nostalgique du temps passé et même un peu psychorigide. Tout doit être fait et pensé à sa façon, comme avant, dans l’ordre et la hiérarchie, leur amitié aussi.
Paul (Bernard Cogniaux) le moins entreprenant des 3, pépère, conciliant plus par paresse que par choix, il déteste les conflits, il est d’ailleurs très content d’être là, avec ses amis sans se poser la moindre question sur l’état de leur amitié.
Et Simon (moi-même) l’ado attardé, nostalgique absolu de sa jeunesse, pas conformiste pour un sous et même bordélique, il obéit à peu de règles et il pense être au moins l’égal de ses amis en tout cas il a tout fait pour socialement.
En fait ces 3 personnages manquent totalement de lucidité et de recul sur eux-mêmes, tout autant que sur leur amitié.Quant à leur rapport avec leur femme respective, il est… comment dire ?… plutôt complexe… je m’arrête là, la pièce vous l’expliquera mieux.

Quelle a été la ligne de conduite pour la scénographie et les costumes ?
Pour le décor : nous sommes dans l’appartement de Max, qu’il a décoré lui-même, avec soins et moyens mais il ne permettrait à quiconque de le faire à sa place, celui-ci est vaste, dépouillé, moderne mais minimaliste et manquant cruellement d’une touche féminine.
Pour les costumes : la direction est claire, j’ai souhaité que nous cassions, autant que faire se peut, notre image. Nous allons vous surprendre (enfin je l’espère), et vous prouver que notre autodérision n’aura d’égal que le plaisir que nous avons tous trois, de nous retrouver ensemble sur scène dans cette comédie qui parle beaucoup de vous… mesdames et de vos maris…