M. et Mme Bélier dînent dans leur salle à manger quand ils sont interrompus par la sonnerie du téléphone. Or, ils n’ont pas d’abonnement téléphonique. Le mystérieux interlocuteur, insistant, demande à parler à un certain M. Schmitt… Plus étrange encore, M. et Mme Bélier découvrent que l’intérieur de leur appartement a changé : les cadres accrochés aux murs ont été remplacés par d’autres, les livres et les vêtements ne sont pas les leurs… Sont-ils, sans le savoir, Mr et Mme Schmitt ?
L’écriture de Sébastien Thiéry occupe un territoire original, iconoclaste, provocateur, hors normes. Il nous livre avec Qui est Monsieur Schmitt ? une pièce drôle, absurde, troublante pendant laquelle on rit, on s’inquiète, on se remet en question.
La comédie de boulevard atteint ici la dimension d’un questionnement existentiel, un ovni en forme de point d’interrogation avec cette éternelle question : Qui est fou finalement ? Qui est Monsieur Schmitt ? Ou, pour le dire autrement, qui sommes-nous ? Il ne faut évidemment pas s’attendre à trouver ici une quelconque réponse…
Une soirée cocasse, désopilante et ébouriffante.
Un véritable régal : Kafka aurait adoré, mais Feydeau aussi.
Genre : Comédie, Théâtre
Auteur : Sébastien Thiéry
Distribution : Alain Leempoel, Marie Paule Kumps, Thierry Janssen, Thierry De Coster, Térence Rion
Production :
Co-Production :
Mise en scène : Bernard Cogniaux
Accessoires : Décors et costumesLionel Lesire
Saisons
2012-2013
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Lu dans la presse
» (…) La facilité réductrice serait de résumer Qui est Monsieur Schmitt ? à une plaisante comédie loufoque servie par un quatuor de comédiens formidables, mais qui s’essouffle quelque peu vers la fin.
Les amateurs de policiers tortueux, les familiers d’Harold Pinter y trouveront eux une angoisse sous-jacente et quelques graines de tragique derrière les éclats de rire et ne manqueront pas de se refaire mentalement le film de la pièce à la recherche d’autres indices, d’autres réponses. Car, à l’image du décor de Lionel Lesire qui se déforme au fur et à mesure de la représentation, n’est-ce pas plutôt notre perception qui est altérée ?
Quelle que soit la manière dont le spectateur la ressentira, une unanimité ne peut que se dégager sur le travail rigoureux de mise en scène de Bernard Cogniaux. Tout de long, les familiers de l’artiste retrouveront sa patte, sa gestuelle, sa tendresse et son humour. Thierry Janssens excelle en flic débonnaire et plutôt borné, Thierry De Coster insuffle à son psychiatre un joli zeste de folie. Il signe avec Alain Leempoel une scène de baballe particulièrement drolatique. Ce dernier séduit et surprend dans une interprétation du plus haut comique. Dans son personnage d’hésitant, qui tente de se rattraper à la moindre certitude, d’homme qui masque son désarroi, Alain Leempoel distille la juste dose de clownesque décomplexée et naturelle qui maintient en permanence Bélier-Schmitt en équilibre entre folie et mensonge, entre drôlerie et émotion.
Marie-Paule Kumps nous régale d’un nouveau rôle d’épouse naïve et un chouia crucheEntre boulevard et absurde, entre comédie et thriller, entre paranoïa et schizophrénie, le Théâtre Royal des Galeries pose une troublante question. La réponse en est décalée, désopilante et insidieusement perturbante. Saurez-vous aussi répondre à ceci : Qui est Monsieur Schmitt ? »
www.plaisirdoffrir.be – Muriel Hublet | le 17/02/2012
» (…) Cela aurait pu être une angoissante intrigue hitchcockienne mais, sous la direction de Bernard Cogniaux, et dans le jeu de Marie-Paule Kumps et Alain Leempoel (notre couple déboussolé), les répliques tirent plutôt vers le vaudeville, avec quelques coups de théâtre de taille. (…)
On se laisse prendre au jeu, on savoure les critiques en filigranes d’une routine qui bouffe un homme à petit feu, et on adore, on l’a dit, un décor qui avance masqué mais irrésistible.
Le Soir – Catherine Makereel | le 27/02/2012
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Du boulevard à l’absurde
Rencontre avec Sébastien Thiéry
Après Cochons d’Inde, créé la saison dernière, Qui est Monsieur Schmitt ? va encore plus loin dans le décalage humoristique…
L’avant-scène théâtre : La pièce est-elle une comédie ou une tragédie ?
Sébastien Thiéry : Quand je raconte l’histoire de la pièce, je me rends compte qu’il s’agit d’une histoire épouvantable et tragique : c’est finalement l’histoire d’un homme qui ne sait plus qui il est, tellement il ne se supporte pas. Il n’y a que le traitement de cette histoire qui puisse la rendre drôle. La plupart des pièces comiques ne sont d’ailleurs que des drames vus sous un angle particulier.
AST : Comme dans Cochons d’Inde, où un homme se retrouve enfermé dans sa banque, vous partez une nouvelle fois ici d’une situation d’enfermement.
S. T. : C’est vrai que l’idée de départ est assez proche. L’enfermement est un thème suffisamment fort pour permettre à une action de se développer : à l’inverse, si quelqu’un n’est pas enfermé, il s’en va, car il n’a aucune raison de s’attarder. Dans pareille situation d’enfermement, le réflexe de chacun est de sortir ; quand cela devient impossible, on compose avec ce qui se présente, et on accepte vite l’inacceptable… L’enfermement est donc avant tout une commodité de construction dramatique, surtout quand les personnages ne sont pas absurdes mais réalistes. Le motif de l’enfermement a donc pris ici les traits d’un type coincé chez quelqu’un d’autre sans savoir pourquoi et qui passe une partie de la pièce à se justifier d’être celui qu’il n’est pas. Mais j’ai introduit ici une sorte de tour de passe-passe inédit chez moi : tout à coup, l’on se rend compte que cet homme est bien chez lui, et que c’est dans sa tête qu’il est enfermé. Et, à cet instant, tout ce qui paraissait loufoque devient logique. Cela change complètement le registre du spectacle. La femme de ce type, prise dans la même folie que lui, reconnaît à la vue de son fils sa véritable vie et sa véritable identité et, dès lors, regarde son mari comme un malade… C’est le seul défaut de Qui est Monsieur Schmitt ?
AST : Pourquoi est-ce un défaut ?
S. T. : Parce que c’est la seule chose qui ne soit pas logique. Sauf si l’on part de l’idée que tout le début de la pièce se passe en réalité dans le cerveau de ce type. C’est ma théorie : il faut bien que je trouve quelque chose pour me justifier. Mais c’est vrai qu’on peut voir toute l’histoire selon le point de vue de cet homme qui ferait un épouvantable cauchemar, duquel sa femme sortirait à un moment, et où il resterait seul.
AST : Écrivez-vous selon un plan ?
S. T. : Au moment où j’écris les premières lignes de la pièce, je ne sais pas du tout ce qui va se passer dans la scène d’après. Quand le personnage de M. Schmitt se rend compte qu’il est prisonnier de cet appartement, que le téléphone ne marche pas bien, la pièce retombe d’elle-même et peut s’arrêter là, comme un sketch. Je me suis alors demandé ce qu’il fallait pour la faire rebondir. J’ai pensé à quelque chose : faire entrer un nouveau personnage, comme un policier (qui représente une menace de mort), puis un psychiatre (ce qui est pratique pour faire parler les gens). Arrivé au bout de ce procédé, j’ai donc imaginé le coup de théâtre de l’arrivée du fils et de la confrontation à la réalité. Se rendant alors compte que tout le monde le prend pour un autre (qu’il est en réalité si l’on suit bien !), l’homme sombre définitivement dans la folie, et se suicide.
AST : Comment faire surgir de la comédie dans un tel contexte ?
S. T. : Je n’ai pas le niveau pour écrire des pièces psychologiques. Je trouve beaucoup plus facile de m’attacher à une situation qui fonctionne et de la faire évoluer sans jamais trop en fermer les différents sens. A mon sens, le comique naît ici d’une situation extrême. Quand on est pris au piège, on quitte tout réalisme : on raconte n’importe quoi pour s’en sortir. Deux logiques irréconciliables s’affrontent – celle des autorités, celle de l’homme. C’est ce qui fait que la pièce est sans cesse entre deux univers : le boulevard et l’absurde, et le mélange peut dérouter. Trop de gaudriole et de divertissement pour certains spectateurs, trop de surréalisme pour d’autres… Mais heureusement pour moi, il y a encore des gens qui trouvent leur compte dans ce mélange.
AST : Mettez-vous une intention dans ce que vous écrivez ?
S. T. : En général, les interprétations sur la signification de ce que j’écris sont très diverses. Par exemple, j’entendais à la sortie de Cochons d’Inde, des gens qui disaient : « Enfin une pièce de droite qui s’assume et où l’on peut dire que les pauvres nous emmerdent, qu’un type qui a de l’argent n’a pas à se justifier », et d’autres, au contraire, qui avaient une réaction inverse : « Enfin, dans le théâtre privé, une pièce de gauche où un type doit se justifier de sa réussite. » Pour moi, personne n’a raison. Il n’y a pas de clé dans mes pièces, pas de message, pas de jugement. Simplement, mon héros favori est, en l’occurrence, un bourgeois qui a de l’argent, un statut, du pouvoir, de l’arrogance, de l’autorité et qui ne se pose pas de questions. Ce qui produit un contraste amusant, c’est que tout d’un coup, il doit parler à des gens à qui il ne parle jamais et qu’il doit accepter l’absurde de la situation : jouer au ballon avec un psychiatre… Cela me permet de donner libre cours à ce qui me fait plaisir : l’insolence, le mauvais goût…
Propos recueillis par Olivier Celik